Nombre de messages : 3387 Date d'inscription : 09/06/2005
Sujet: "Cherry Blossoms" de Doris Dorrïe Jeu 16 Avr 2009 - 10:20
Au cours du Festival du Cinéma Européen qui eut lieu fin mars, j'ai pu voir 3 films allemands de très grande qualité. Je vous parle de celui qui m'a sûrement le plus touchée...pour des raisons diverses( et pas seulement parce qu'il y a le Japon, même si ça ajoute au film, c'est indéniable! Il parle du deuil dans un couple et des remords qui l'accompagne, de cette pauvreté du regard porté sur l'autre qui subitement fait mal. On s'accommode de ce que celui-ci veut bien montrer et on se berce ainsi toute une vie - forme d'indifférence - ou plutôt d'égoisme. S'il ne dit rien, c'est que tout va bien!D'ailleurs, tout va bien, non?...et puis ce "tout", caché, réparé, adouci par amour, rejaillit à sa disparition. Le disparu était l'âme de la famille...
"....les Japonais s'assoient sous les cerisiers : ils sont absolument magnifiques lorsqu'ils sont en fleurs, et en même temps leur période de floraison est douloureuse tant elle est éphémère. Il faut saisir le moment où les fleurs éclosent, si l'on rate cette période, il faut attendre une année entière et peut-être beaucoup plus.Les Japonais s'occupent donc avec le plus grand soin des arbres. Il en est de même avec l'amour : quand on l'a, il faut lui donner une chance de s'épanouir, et il faut savoir l'apprécier. C'est le sujet principal du film : chaque personne, chaque plante, chaque animal peut se révéler et s'épanouir à un moment donné. Mais souvent on essaie de l'étouffer, c'est ce qui arrive à Rudi dans le film. Nous ne laissons jamais notre être profond et notre beauté se révéler, s'épanouir comme le cerisier." Doris Dörrie
Début du film. Nous sommes dans le bureau d'un médecin quand Trudi apprend que son mari , Rudi, est atteint d'une maladie incurable. S'ils veulent voyager encore ensemble, c'est le moment....mais Trudi sait déjà que ce sera difficile car son mari n'aime pas changer ses habitudes. Ils vivent à la campagne dans un petit hameau. Le matin, Rudi prend toujours son train à la même heure pour se rendre à son travail, de même le soir...elle l'attend derrière la porte, l'aide à retirer son manteau, lui présente ses chaussons et enfile son gilet. Une vie tellement bien réglée, sans surprise...alors comment va-t-elle lui proposer un voyage?
Après avoir réchigné, il accepte malgré tout d'aller à Berlin rendre visite à deux de leurs enfants ,et petits enfants,qui ne se font pas vraiment une joie de les voir rappliquer du jour au lendemain...Trudi , elle, aurait rêvé aller au Japon , voir le Mont Fuji et retrouver son dernier fils mais pour Rudi, c'est trop loin et lui, viendra bien les voir, ce sera moins compliqué!ajoute-t-il.
Finalement, la visite de Berlin se termine au bord de la Mer Baltique...un dernier instant de bonheur à deux, un pis aller pour Trudi.
C'est là que la vie de Rudi bascule. Il se retrouve brutalement seul et l'on sent que ,pour les enfants, sa situation va être un problème. Trudi a toujours tout fait, tout pensé...lui ne voyait et ne pensait qu'à son travail, laissant peu de places aux enfants. Le courant ne passe donc pas entre eux, c'est évident mais Rudi les rassure "ça va aller".
La grande maison vide, isolée à la campagne, sans Trudi, le désempare. Lui n'a jamais été seul comme l'a pu être sa femme...mais elle ne s'est jamais plainte, cela paraissait lui convenir....où est Trudi maintenant? Finalement, il décide d'aller à la rencontre de sa femme, de celle avec qui il a vécu tant d'années sans trop se préoccuper de ce qu'elle aimait et ressentait...et il part au Japon!
C'est un peu tard, se dit-on...pour Trudi, oui mais pour lui, il y a un cheminement important qui nous rassure et nous torture...avec lui, nous faisons ce cheminement...bref, je ne vous en dis pas davantage.
C'est beau, triste, tendre et cocasse parfois. De superbes images du Japon en fleurs et la danse du Bûto* , apportent beaucoup de poésie au film .
*Le Bûto (Bu: danser; To: piétiner) est une danse contemporaine japonaise, créée en 1959 par Tatsumi Hijikata, inspirée de l'expressionnisme allemand, en réaction aux bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki, elle est connue sous le nom de "Danse des ténèbres" ou "Danse de la mort"...c'est un appel aux forces de l'au-delà...un passage du film: