"Le pressentiment" d' Emmanuel Bove

Emmanuel Bove a écrit " Le pressentiment" en 1935. Jean Pierre Daroussin a porté cette histoire au cinéma dernièrement mais je ne l'ai pas vu...je ne sais pas si j'ai envie, en fait...de toute façon, c'est déjà passé...et le livre me suffit pour l'instant


C'est le thème qui a retenu mon attention...

L'avocat Charles Benesteau décide brusquement de rompre avec la bourgeoisie à laquelle il appartient pour s'installer dans un quartier populaire de Paris. Il quitte famille, amis, situation et richesse pour chercher la liberté dans la solitude et l'exil intérieur. Il rejette un monde cruel et incapable d'un geste désintéressé. Mais changer de vie ne paraît extraordinaire que pour les autres, et le dévouement désintéressé de Charles va provoquer la suspicion. Il est pris dans une spirale infernale, kafkaïenne, exprimant la question fondamentale: "Maîtrisons-nous notre destinée ou sommes-nous le jouet d'une main invisible?".

Tout est soulevé dans cette présentation. Charles Benesteau en avait assez de voir autour de lui que des gens injustes, avares, flattant "ceux qui pouvaient les servir, ignorant les autres". Il ne va pas trouver auprès de ses nouveaux voisins plus d'humanité qu'avant. On lui vole son vélo, on colporte sur lui des rumeurs. Il n'y aura guère que sa petite protégée et sa mère pour lui manifester de la gratitude.

Découvert par Colette qui édita son premier roman "Mes amis" en 1924, Emmanuel Bove écrira beaucoup pendant l'entre deux guerres. Né en 1898, il confiera peu de temps avant de mourir en 1945: " Je ne sais pas ce que j'ai fait à la vie, mais elle m'a traité avec un humour souvent féroce."


"Il voyait le côté ridicule du comportement des gens...Comme il était plein d'humour, il voyait le côté pas sérieux, voire comique qui se manifeste sous le tragique. Il était aimé de milieux très divers; les très humbles, les très mondains, les intellectuels et ceux qui ne l'étaient pas du tout. Il est vrai qu'il était silencieux parce qu'il écoutait. Il avait le don d'être à sa place partout." Un homme qui savait se fondre partout, qui savait ne pas être là, tout en étant attentif. Un homme libre aussi. Méfiant de tout ce qui pouvait le classer, l'étiqueter, l'enfermer....Le mystère dont il s'entourait était le garant de sa liberté...

Oublié après la guerre, il suscite à nouveau l'engouement grâce à des personnes comme Darroussin,en France ou Peter Handke et Win Wenders, en Allemagne.

Ses livres méritent d'être redécouverts...

J'aime bien le thème Brit... Les gens portent tellement de préjugés sur tout, que même quand tu veux changer de vie, ton passé te poursuit... L'opinion publique, formatée, ne manquera pas de te le rappeler... et en ce qui concerne les proches, la "cassure" peut être encore plus blessante...

En tous cas, ça donne envie ce bouquin... j'aimerais bien lire son point de vue sur la question...

Pas facile de savoir ce que pensait Emmanuel Bove -de son vrai nom Emmanuel Bobovnikoff- si ce n'est en le découvrant à travers son oeuvre, ce que j'ai envie de faire...étant prolixe en écriture ( onze romans de 1927 à 1928 ) ...j'ai quelques heures de lecture assurées ...

Bove était un être solitaire, modeste et discret, préférant le silence à la publicité...inadapté à la vie familiale autant qu'à la vie sociale et littéraire...alors pour trouver ses impressions, ce ne sera pas facile! Il fait partie de ses écrivains qui ont créé un monde, un univers bien à eux et lorsqu'on pénètre ce monde, on a envie d'en savoir plus...je te comprends

...une rare occasion de pouvoir lire ce qu'il pense, c'est lors du Prix Figuière qu'il remporte en 1928, prix littéraire le mieux doté de l'époque...voici ce qu'il dit: "Si l'on tente d'entrer dans la littérature, il ne faut pas prendre une tenue littéraire. C'est par la force de la vie qu'on y arrivera. Balzac, Dickens, Dostoïevski. Voyez vous , ces grands hommes ne sont pas des littérateurs. Ce sont des hommes qui écrivent. La vie n'est pas littéraire. Elle entre dans la littérature, quand c'est un écrivain de cette taille qui l'y fait rentrer, mais sans que l'auteur ait voulu faire quelquechose de littéraire."

...en deux mots, savoir parler vrai!

Bove peint une comédie humaine, il sera toujours l'allié des perdants, du côté des humbles, des gens de peu et des laissés-pour-compte de la réussite sociale.

Alors pourquoi?

Parce que Bove est le fils d'un couple désuni, le père Emmanuel Bobovnikoff, émigré juif russe est volage -il se mariera plus tard avec une riche anglaise et connaîtra l'aisance dont son fils profitera un peu- la mère, Henriette Michels, est une domestique d'origine luxembourgeoise qui vivra toujours dans la misère...quand le père meurt, le fils fait tous les petis boulots...cette vie sera le cadre de son oeuvre, il connait les deux milieux...

...Voici ce que certaines personnes ont dit de lui...

Philippe Soupault: "Bove était un personnage assez singulier. Il était sympathique, acceuillant, amical -mais toujours un peu sur sa réserve. On le sentait à la fois flegmatique et lointain. Il ne se livrait pas facilement et manifestait une certaine froideur qui, en fait, était une sorte de pudeur. ...qu'il fût taciturne? Non il ne l'était pas: il pensait à autre chose."

Héhé, y'en a d'autre, n'est ce pas?

Jean Cassou: "Bove était un personnage extrêmement attachant et que nous aimions beaucoup. Il avait le type et le caractère slaves, c'est à dire qu'il manifestait une très grande indifférence pour la vie pratique et une espèce de nonchalance charmants...Plein d'ironie auprès de nous et dépourvu de sérieux à son propre égard."


Voilà, Bove était un novateur de son temps.Il ne faisait pas partie d'une famille littéraire...mais plutôt d' une famille universelle et intemporelle... voilà pourquoi, ce qu'il écrit ne me paraît pas lointain...

Bon, il faut que je m'active pour lire le reste...à bientôt les zamis et bon week end!

Je ne savais pas que Jean Pierre Darroussin s'était inspiré de cet auteur .. j'ai très envie de le lire.. Et comme je suis toujours d'accord avec ce que fait Jean Pierre Darroussin..
J'ai lu dans des revues cinéphiles que son film est remarquable...

J'aime beaucoup la façon d'écrire d'Emmanuel Bove, je te le recommande Chris....quant au film, je l'ai mais pas encore vu...toujours difficile de passer d'un livre à un film...

Tu es gentille et je me l'offre pour les vacances... Super.. Et ensuite... le film pour Darroussin...


Comme disait Montesquieu :" Je n'ai jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture n'ait distrait"

Je ne sais pas si tu as pu voir le film de Daroussin, Chris 83...Je l'ai vu cet été en DVD.... fidèle au livre, il est magnifiquement campé et dirigé par l'acteur-réalisateur...la lenteur n'est absolument pas dérangente, elle permet de mieux saisir chaque instant...la méchanceté des gens, leur fausseté, leur goût des petits potins et puis la simplicité , le désintérêt pour le "matériel" et l'amour de cet homme pour l'humanité...

Un film qui n'est pas resté longtemps à l'affiche ... l'idée de "penser aux autres", "regarder les autres" devient ennuyeux....





Je viens de terminer Mes amis, le premier livre de Bove, sorti en 1924 alors qu'il n'a que 23 ans...






C'est dans la même trempe...un homme, Victor Bâton, vit seul dans une petite chambre. Blessé à la guerre, subsistant tant bien que mal grâce à sa maigre pension, il mène une vie de traîne-misère à Montrouge. Pour tenter d'oublier son infortune, il quitte parfois sa chambre glacée et sa triste banlieue, pour errer dans un quartier riche de Paris, là où "les femmes parfument l'air derrière elles". Son désir d'aimer et d'être aimé n'est jamais qu'un désir...

...il va rencontrer plusieurs personnages pour tenter de s'en faire des amis...en vain...

"Le propriétaire m'a donné congé.
Il paraît que les locataires se sont plaints de ce que je ne travaillais pas....Et je payais mon loyer, oui, je le payais....Je ne chantais pas, je ne riais pas, par délicatesse, parce que je ne travaillais pas.

Un homme comme moi qui ne travaille pas, qui ne peut pas travailler, sera toujours détesté.
J'étais, dans cette maison d'ouvrier, le fou, qu'au fond, tous auraient voulu être. J'étais celui qui se privait de viande, de cinéma, de laine, pour être libre. J'étais celui qui, sans le vouloir, rappelait chaque jour aux gens leur condition misérable.
On ne m'a pas pardonné d'être libre et de ne point redouter la misère.
Le propriétaire m'a donné congé, légalement , sur papier timbré....

Dans quinze jours, je serais ailleurs, je n'aurai plus la clef de cette chambre où j'ai vécu trois années, où mes habits de soldat sont tombés, où, démobilisé, j'ai cru que j'allais être heureux.
Oui, dans quinze jours je vais partir. Alors, les voisins auront peut être du remords, car les changements touchent toujours, même les plus insensibles. Ils auront peut-être, une seconde seulement, la sensation d'avoir été méchants. Cela me suffira.
....
Je veux croire qu'un jour je serai heureux, qu'un jour quelqu'un m'aimera. Mais il y a déjà si longtemps que je compte sur l'avenir!
....
Ah! La solitude, quelle belle et triste chose! Qu'elle est belle qunad nous la choisissons! Qu'elle est triste quand elle nous est imposée depuis des années!


Le site officiel sur Emmanuel Bové, réalisé par Jean Luc Bitton...

http://www.emmanuel-bove.net/indexbove5.htm

http://www.emmanuel-bove.net/


Vous pourrez y lire les premières pages de son livre...

A bientôt

J'espère que le Père Noël pensera à me l'offrir ce DVD...

Le film est passé récemment...ou va passer...je ne retrouve plus la page

Je sais , je n'ai pas Canal Plus...Le livre m'a bien plu... J'ai envie de voir le film... Même s'il n'a que 2 étoiles sur le Programme!Je veux me faire mon idée!