Britanya Administrateur
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| Sujet: Ravel Sam 18 Fév 2006 - 13:42 | |
| Extrait d'un article... L'Echenoz de Ravel par Joseph Macé-Scaron Un roman clair et simple. Un bonheur total de lecture. Le "Ravel" d'Echanoz n'est pas seulement un objet parfait, un livre gracieux, élégant, subtil, qui a la légèreté de l'aquarelle. Non. Cette partition sans musique est aussi une véritable leçon de style. Voilà pourquoi l'auteur de "Je m'en vais" est salué, à cette rentrée littéraire de janvier, avec autant d'allégresse qu'une tente à oxygène dans un hôpital. Il y avait urgence. Le roman français était devenu grabataire. A son chevet, échangeant des propos de circonstance, veillaient les "moticoles" de l'autofictionqui, pour l'avoir saigné sans discernement, comme les médecins de Molière, ont précipité son agonie. Enfin Echenoz vint. Lui qui, une première fois, dans les années 80, avait secoué le petit monde littéraire par ses inventions, son exubérance, prend tous les scribes à revers avecrécit sobre, méticuleux,désinvolte, pianoté d'une seule main, comme Ravel.Un récit qui se nourrit autant de noir que de blanc, de mots écrits que de mots tus.
Les notes biographiques et l'oeuvre, ce n'est pas trop son affaire. Le roman d'une vie, si. Echenoz a choisi de raconter les dix dernières années du musicien, de 1927 à 1937....Lorsque l'auteur effleure les premières touches, le musicien qui est "grand comme un jockey, donc comme Faulkner" est dans sa baignoire. Il est bien. On ne sait pas encore que c'est Ravel. C'est simplement un homme qui doit quitter l'eau tiède et savonneuse. Il a un rendez-vous. Il doit partir. Il doit surtout abandonner le confort quasi amonitique de sa salle de bains et ne plus actionner du pied, une dernière fois, le robinet d'eau chaude. Un geste que nous avons tous fait. Le ton est tout de suite donné. Il est vous, il est moi, il est Echenoz. Mais il sort, une voiture l'attend et là, on le sait désormais, il est Ravel. Non pas Maurice Ravel car les romans n'ont pas de prénom mais Ravel, ce qui concourt un peu plus à désacraliser le musicien de génie, au sommet de sa gloire. Car tout l' art d'Echenoz estn d'abord, dans ces passages incessants du personnage neutre, non identifié, dans lequel chacun de nous peut se reconnaître, à l'homme Ravel, qui soudain place le lecteur dans la situation du voyeur ou de l'écouteur d'histoires.
Ainsi , on respire l'odeur de cire des parquets du "France", on choisit ensemble le pyjama d'une nouvelle nuit d'insomnie, on traverse l' Amérique sous les creépitements des flahs, on déprime entre amis à Montfort-Lamaury, on fulmine contre ce cabotin de Wittgenstein. "On"? Qui est ce "on"? A chaque paragraphe, nous voyons le musicien d'un point de vue différent. Normal, Echenoz est à la fois dans la tête du musicien, dans celles de ses interlocuteurs, dans celle du lecteur, et cela sans jamais abandonner son point de vue. Un vrai chef d'orchestre....
C'est un livre drôle jusque dans les obsessions de Ravel, qui fulmine comme Louis de Funès lorqu'il n'a pas ses chaussures vernies pour le concert, lorsqu'il ne trouve pas son journal "le Populaire", ou lorsque la brave Marguerite fouille son sac à main à la recherche des billets de train. ....c'est aussi un livre tiré à quatre épingles dans le choix des mots et des détails...Echenoz décrit la locomative qui tracte le train du Havre...l'hyperréalisme des mots rejoint la maniaquerie ravelienne pour les détails. Cette maniaquerie qui gâche une vie, et qui, en même temps, protège des autres, et surtout, de soi...
L'issue du roman est connue d'avance...La musique s'éloigne comme la vie dans la douleur de la perte, puis dans l'ignorance de la perte. Jusqu'au silence final. " Il se rendort, il meurt dix jours après, on revêt son corps d'un habit noir, gilet blanc, col dur à coins cassés, noeud papillon blanc, gants clairs. Il ne laisse pas de testament, aucune image filmée, pas le moindre enregistrement de sa voix"...Un passage touchant sur sa fin... " Il observe tout cela clairement, sujet de sa chûte en même temps que spectateur attentif, enterré vivant dans un corps qui ne répond plus à son intelligence, regardant un étranger vivre en lui" Ce sont 124 pages qui se lisent sans interruption...je vous laisse le découvrir le temps d'un voyage... Un petit hommage à Ravel... Pavane pour une infante défuntehttp://s54.yousendit.com/d.aspx?id=3HBL66F911SYA3DO26PPJPBJKS Bon week end | |
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